Innovation, progrès, performance: ce que l'on met derrière les mots

Voilà un moment que je n’avais pas pris la plume des touches de mon clavier pour cette newsletter –pas régulière du tout = donc pas conforme du tout aux recommandations marketing que j’adresse à mes clients ;-). Disons que les cordonniers sont les plus mal chaussés.

Mais cela fait déjà quelque temps que le thème de cette lettre tournait en boucle dans ma tête, je ne savais juste pas trop comment l’exprimer. Et je ne sais pas toujours si cet angle sera le bon. Peu importe, je me lance !

Comment vous dire : aujourd’hui j’ai envie d’autre chose. Aujourd’hui, et plutôt ces derniers temps, je me sens lasse. Est-ce l’âge ? Un parcours riche et long dans le marketing et le coaching ? Plein  d’expériences perso et pro diverses qui m’ont embarquées en France, en Asie, en Californie et ailleurs ? Peut-être un peu de tout ça. Et les rencontres  amicales ou professionnelles, les vécus des autres, leurs histoires. Et les réseaux sociaux, et l’actualité de ce monde.
 
Aujourd’hui en effet je suis lasse, lasse de mots et de concepts et en particulier de ceux ci :
Innovation , progrès, performance. Dans un monde « global ».

 Prenons innovation et progrès. Alors pour certains je serais une vieille réac (passez votre chemin si c’est le cas) qui serait nostalgique d’un monde révolu.

Alors oui, je suis nostalgique du bruit des oiseaux quand je suis en ville, des repas où personne ne regardait son téléphone, des endroits où avant qu’il y ait un hypermarché, il y avait un champs ou une forêt.
Alors oui, là je suis nostalgique.
Mais je ne suis pas nostalgique d’un temps où les femmes devaient demander l’autorisation à leur mari pour travailler et où elles ne pouvaient pas avorter légalement (je parle de la France). Non, je ne suis pas nostalgique d’un monde avant les vaccins, et les soins dentaires pas trop douloureux ;-), d’un monde où l’on ne prenait pas une douche chaude tous les matins (oui, je dois avouer que j’ai beaucoup de gratitude pour la douche chaude !).
Bref je ne suis pas nostalgique de tout.

Mais ce besoin de parler à tout bout de champ d’innovation et de progrès finit par m’écoeurer. Innover pour créer une nouvelle app à chaque problème dont on ne savait pas qu’on l’avait. Un problème= une app. Innover pour créer un truc pour lequel il faudra innover pour répondre aux problèmes que l’innovation précédente aura crée…

Monde liquide dont parlait le sociologue Zygmunt Bauman*, où de nouveaux besoins sont crées à chaque instant, où notre attention se monnaye si cher…sans que nous nous en apercevions.

Cette semaine, j’entendais sur France Inter (mercredi :journée spéciale sur l’intelligence artificielle), un ingénieur français de la Silicon Valley confier qu’il y a encore peu des innovations dans l’IA avaient lieu chaque trimestre, et que maintenant, des innovations ont lieu chaque semaine.
Le rythme s’emballe. Mais qui croire et comment garder son esprit critique, entre ceux qui demandent 6 mois d’arrêt des recherches dans ce domaine et d'autres qui comparent cet arrêt forcé à l'Inquisition ?

Et après tout, qu’ai-je contre le progrès, l’innovation et la performance ?

La réalité de ce que l’on met derrière ces mots.

Pour moi, le progrès comme l’innovation ne valent que s’il sont pour l’homme, la planète et la nature. Sinon, c’est « bullshit ».

Je rêve d’un monde ou le progrès serait

de résoudre les problèmes environnementaux sans en créer d’autres .  

d’arrêter les conflits (oui, je sais, c'est une utopie)

de soigner le cancer,  les maladies physiques et mentales

de permettre à chacun de trouver « sa place » et de donner du sens à son travail

d’innover afin que chacun puisse se loger dans un endroit d’où il peut voir le ciel et (au moins) un arbre, un lieu calme et ressourçant, proche de son travail ,

de faire en sorte que l’on soit attentif aux plus vulnérables

de faire en sorte que nul ne soit isolé d’autres humains (à moins de l’avoir choisi)

de produire localement et sans polluer des trucs vraiment utiles et sains,

etc , etc…

Pas d’un monde où je n’ai plus besoin de faire l’effort d’apprendre une langue ou de rédiger un article

Pas d’un monde où je mettrai 1h de moins pour arriver à l’autre bout du monde

Pas d’un monde où mes amis et expériences ne seraient que  virtuels,

Pas d’un monde plein de petits drônes qui me surveillent

Pas  d’un monde où les algorithmes choisiraient tout pour moi (ce qui est déjà très souvent le cas): mes relations, les musiques que j’écoute, les infos auxquelles j'ai accès, les livres que je lis, les achats que je fais…

Etc, etc…

Trop de mes clients évoluent dans des sociétés où RSE, QVT.. ne sont que de façade où il leur est difficile de donner du sens à ce qu'ils font. Là aussi les progrès dans l'entreprise ne passent pas pour moi par de nouvelles app ou de nouveaux logiciels de communication interne.

Alors innovation, progrès ?  d’accord mais je pense qu'il  y a un énorme tri à faire, par la société et par chacun d'entre nous, à commencer par notre consommation et nos activités.

Pour Zymunt Bauman (sociologue qui  a entre autres écrit La vie Liquide*), notre vie  devenue "liquide", est prise dans le flot incessant de la mobilité et de la vitesse, il faut se révolter par la créativité, l’écriture et l’engagement au plus près du monde. J'aime cette idée de proximité avec le monde, les gens, la nature. Et j'ai la chance d'exercer un métier où je peux avoir cette proximité (même en distanciel 😉).

Qu'en pensez-vous ? Et pour vous, quels seraient les innovations, les progrès  qui auraient du sens ?

 *Ed Pluriel -Fayard


 

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